Préalable à cette démarche, un regard en marche. Un regard qui cherche et ne trouve pas, ne cherche pas et trouve, cherche et trouve. Un regard surpris et attiré par ces gants colorés gisant par terre, trempés, boués, dissimulés dans la fraiche neige, déchiquetés, piétinés, écartés, parfois mis en exergue.
Tel un petit rien archéologique, chaque gant trouvé ouvre d’emblée, -par sa couleur, sa taille, son maillage, ses motifs, sa matière, par son état du moment et l’endroit de sa première vue-, un espace de rêverie appelant aussitôt le propriétaire du gant perdu, -son sexe, son âge, son statut-, les circonstances de sa perte, la reconnaissance de sa perte, le destin du gant esseulé…
Sortis de leur réserve à l’occasion de la mise en place, en vitrine, de l’installation, ces gants orphelins sont suspendus (telles des questions sans réponse) sur le fil rouge tendu qui les relie, tel un fil rouge d’une histoire. C’est sur ce fil rouge que le regard du spectateur/visiteur glisse en passant d’un gant taille enfant couleur rose aux rayures blanches à un autre gant simili cuir noir taille adulte, puis, au long gant de mariée satin dentelle extensible voisinant un gant gris taupe feutré ajouré de fleur orangé à côté d’un gant en caoutchouc bleu foncé protection maximale donnant sur un épais gant en peau brun rembourré rongé répondant à un gant en laine et cachemire violet délavé incrustation paillettes argentées…
Des monotypes sont réalisés à partir de certains gants trouvés. Ils témoignent de cette absence présente, de cette présence absente.
L’installation tend à l’écriture d’un récit, à plusieurs mains. Un récit en dépit du silence imposé par la disparition ; un récit sur la perte, la solitude.
Un récit aussi sur la coprésence - bancale certes ! - des êtres juxtaposés, et sur les possibilités de combinaisons inimaginables entre présences bancales et esseulées d’êtres orphelins, pour continuer ensemble, malgré tout…